Eurovision : Netta et son girl power dingo peuvent-ils faire gagner Israël ?

netta toy ewfrku

De mémoire d'eurofan, on n'avait rarement connu une édition aussi molle du cul. C'est peu dire que les chansons sélectionnées cette année pour le concours de l'Eurovision sont d'une banalité affligeante. Des choix très safe qui font écho à cette nouvelle lubie européenne du moment : la quête de respectabilité. Depuis que le gagnant de 2017, le portugais Salvador Sobral, auréolé du succès de sa ballade tellement authentique, a critiqué le côté trop pop et artificiel du concours, on se disait que ça y est, il allait falloir ranger les choucroutes, les tenues flamboyantes, les danseurs torse nu et les flonflons de l'eurodance : la fête est finie.

 

Et puis samedi dernier, on découvre à la suite d'un leak la chanson choisie par Israël.

 

 

OMG ! Wig ! Alerte tuerie ! L'esprit de fun, de dérision et de pop décomplexée qu'on aime tant à l'Eurovision est bien là, sain et sauf, dans cette chanson totalement dingue d'une nana encore inconnue il y a quelques mois : Netta Barzilai.

 

Netta a 25 ans. Il y a peu de temps encore, elle jouait ses chansons dans les clubs et les mariages. Mais aujourd'hui, sa popularité dans son pays est telle que durant Pourim (une fête religieuse), tous les gamins se sont déguisés en Netta. Car sa participation à l'émission HaKokhav HaBa L'Eurovizion (un télé-crochet qui fait office de présélection du concours) a fait grand bruit. Avec ses looks à mi-chemin entre Björk sous poppers et Beth Ditto dans l'espace, Netta revisite au bazooka tous les joyaux de la pop, accompagnée de son fidèle looper et d'une voix qui, même noyée sous les effets, défonce tout sur son passage.

 

 

Ce sont ses reprises hallucinantes de "Rude Boy", "Sing Hallelujah" ou "Gangnam Style" qui ont conquis le public israélien. Et "Toy", son premier titre qui représentera son pays à l'Eurovision, conserve toute la drôlerie et la bizarrerie uniques de son personnage.

 

"Toy" est une vraie tuerie pop. Anglophone et saupoudré de passages en hébreu et de bruits étranges (Netta imite le chant du poulet à la perfection), le titre mélange le girl power des Spice Girls ("I'm Not Your Toy / You stupid boy") avec des influences méditerranéennes et latines, et une bonne grosse louche d'eurodance par dessus. Bien loin des fausses bonnes idées de cette année (les français de Madame Monsieur et leur laborieuse ballade engagée "Mercy"), "Toy" est une chanson d'une originalité et d'une efficacité redoutables, et dont le féminisme pop a de fortes chances de faire danser l'Europe entière sur les ruines du patriarcat.

 

A l'heure actuelle, les bookmakers sont très optimistes quant au succès du titre en mai prochain. En cas de victoire, ce serait la quatrième fois qu'Israël remporterait le concours. La dernière fois, c'était en 1998 : la gagnante Dana International était alors la première artiste transgenre à participer à l'Eurovision. En tout cas, l'arrivée de Netta dans la compétition est une excellente nouvelle pour celles et ceux qui comme moi veulent conserver l'esprit pop, queer et décomplexé qui fait toute la beauté de ce grand raout européen. Et tant pis pour les gardiens du bon goût et de l'"authenticité" : vous n'aurez pas la peau de nos chanteuses folles et de nos club bangers.