Bilal Hassani à l'Eurovision : la victoire d'une nouvelle génération queer

bilal hassani

Ces derniers mois, en France, un pays qui a toujours superbement dénigré ou snobé le concours, on n'a parlé que de l'Eurovision. Pour cela, il aura fallu qu'un jeune homme de 19 ans, d'origine marocaine, ouvertement gay et portant de flamboyantes perruques débarque dans les présélections et enflamme les réseaux sociaux.

 

 

Bilal Hassani fait partie d'une nouvelle génération de jeunes influenceurs queer ou gay friendly (on pourrait également citer Jehovinh, Sparkdise ou Sulivan Gwed) qu'une énorme communauté d'ados a vu grandir sur YouTube. A peine vingtenaires, ils abordent leur quotidien et leur sexualité de façon totalement décomplexée et avec une sincérité et un humour qui défoncent la concurrence.

 

 

Tous différents, avec des personnalités attachantes et un franc-parler assez ahurissant, Bilal et ses potes sont les fruits de leur époque, celle des réseaux. Une boite de Pandore où l'on trouve le meilleur comme le pire. Ainsi, la génération de Bilal Hassani a connu la RuPaul's Drag Race, Troye Sivan, la culture urbaine, Instagram, les Kardashian, elle danse sur Aya Nakamura et sur les tubes de Skyrock, et mélange toutes ces influences dans un joyeux bordel.

 

 

Mais cette génération a aussi connu la dark side des réseaux, les menaces de mort, les appels au suicide, les insultes, les intimidations, bref la violence d'une époque où internet est devenu le défouloir d'une sous-culture avariée de gros connards un peu perdus, entre machisme, homophobie, racisme, intégrisme religieux ou communautaire.

 

 

Gay, rebeu et efféminé, Bilal a le don d'irriter un très large panel de trolls. Il cristallise toute la haine de la France rance. Mais il a aussi développé une fanbase de jeunes (et moins jeunes) gens qui ont envie d'en finir avec ces conneries. Et c'est tout ce beau monde qui a fait gagner Bilal Hassani samedi soir lors de l'émission Destination Eurovision.

 

Sa chanson "Roi", à défaut d'être le supertube queer et moderne qu'un mec comme Bilal mériterait, est devenue en quelques semaines incontournable. Composé avec l'aide du duo Madame Monsieur, qui adore les gros sabots, les bons sentiments et les accords faciles, le titre est difficile à aimer, tant il possède la grâce d'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Mais Bilal Hassani le porte tellement bien, avec un enthousiasme tellement contagieux, qu'on se laisse malgré tout emporter.

 

 

Car la force de Bilal est ailleurs. Pas nécessairement dans une chanson un peu variétoche qui aura sans doute fait pleurnicher quelques daronnes devant leur poste de télé. Le vrai talent de Bilal a été surtout de fédérer un public très large et plus varié qu'on l'imagine, en restant droit dans ses wigs, en ne sacrifiant jamais sa sincérité ou sa personnalité. Regarder une vidéo de Bilal Hassani, c'est avoir instantanément l'envie de devenir son pote, de faire partie de sa bande.

 

 

Il n'y a pas si longtemps encore, les seuls homos visibles du grand public en France étaient issus de la télé réalité ou de l'internet trash. La nouvelle génération nous débarrasse enfin des millennials cramés à la Jeremstar, ces vilaines pimbêches arrivistes qui ont envahi nos écrans et à qui personne n'avait envie de s'identifier. Les jeunes ados ont aujourd'hui la chance de voir évoluer sous leurs yeux des mecs intègres, bienveillants, incroyablement courageux, qui s'assument et redonnent de l'espoir.

 

Bilal Hassani était le candidat parfait pour la France. Il permet enfin à ce pays réfractaire à l'esprit pop, queer et inclusif de l'Eurovision de coller à son époque et se reconnecter avec sa propre histoire. Celle d'une génération farouchement fierce et inclusive, qui carbure à l'empathie et possède une classe folle. Bonsoir la France, bienvenue en 2019.