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Rina Sawayama est-elle la nouvelle popstar queer que le monde attendait ?

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En l'espace de quelques mois, la jeune chanteuse british d'origine japonaise Rina Sawayama est devenue la nouvelle fille à suivre de très près. Pourquoi ? Parce qu'elle coche toutes les cases dans la to-do list de la "popstar du moment".

 

"I think it's possible to queer the world with pop music". De qui pourrait bien être cette phrase prononcée en 2018 ? A vrai dire, la liste est longue, tant les artistes ouvertement LGBT ont envahi l'espace médiatique depuis quelques années. Troye Sivan ? Il vient de publier un album de pop mainstream absolument parfait, où il assume son bonheur d'être le plus comblé des power bottoms. Hayley Kiyoko ? Celle que ses fans appellent affectueusement "Lesbian Jesus" vient de décrocher un MTV Video Music Award (au nez et à la barbe de la rappeuse Cardi B). Kehlani ? Olly Alexander ? Kiddy Smile ? MNEK ? Nope. Bienvenue à la nouvelle petite guerrière de la cause queer : Rina Sawayama.

 

Rina est née au Japon, mais elle est arrivée en Angleterre à l'âge de 5 ans. Elle vit aujourd'hui à Londres, et a suivi le parcours de la parfaite it-girl : études à Cambridge, débuts dans le mannequinat, puis premiers pas dans la musique en auto-prod, avec un EP encensé par Pitchfork l'année dernière. Ses premiers titres ? Des petites bombes pop très rétro, inspirées par les tubes de la fin des 90's.

 

 

Les thèmes de ses chansons sont alors un condensé des états d'âme de sa génération (les fameux millennials) : solitude, réseaux sociaux, nouvelles technologies, affirmation de soi, quête de sens... sur des riffs de guitares ringards mais savoureux, et des chorégraphies très inspirées des NSYNC et Destiny's Child. Un vrai plaisir coupable pour digital natives.

 

 

Sur le morceau "Take Me As I Am" (un titre qui sonne tellement comme la Britney Spears des débuts que Max Martin pourrait la trainer en justice) elle s'attaque au manque de représentation asiatique dans la pop culture occidentale, une invisibilité dont elle souffrait quand elle était plus jeune.

 

 

Mais c'est aujourd'hui avec un autre cheval de bataille que Rina va affirmer sa position de nouvelle superstar de l'indie pop. "Cherry", son dernier single, c'est l'histoire d'un coming out, le sien. Car la jeune femme de 28 ans veut briser l'un des derniers tabous queer, celui de la bisexualité.

 

"Cherry", avec sa vidéo façon Black Swan sous poppers, raconte un coup de foudre dans le métro, avec une fille, et ce que ça chamboule dans son coeur et dans son corps. Sur une bande-son plus sucrée qu'un tube de Mariah Carey, cette chanson d'amour cute AF est aussi légère et euphorique que l'était le film Love, Simon : une vision un peu feel good et apaisante des relations queer. On pourrait trouver ça un peu gnan-gnan, sauf qu'en ces temps compliqués où tout le monde se déchire au sein de la communauté, un peu de pommade et de positivité sont les bienvenues.

 

 

Sur le site de Broadly, Rina Sawayama se confie : "Pour moi, il y a toujours un manque de représentation. Je pense que je n'étais pas à l'aise avec ma sexualité parce qu'il n'y avait personne à la télé ou nulle part, que je pouvais pointer du doigt en disant : regarde maman, c'est de ça dont je te parlais !".

 

Rina, par le hasard des choses, est le symbole de l'intersectionnalité (quand une personne est marginalisée pour plusieurs raisons à la fois). Etre une jeune fille asiatique et bisexuelle, c'est un peu la "triple peine" : les blancs te regardent de travers, mais aussi les hétéros ET les gays, qui ne comprennent pas toujours très bien qu'être bi ou pansexuel n'est pas une posture ou un caprice. L'intersectionnalité, c'est la quasi-certitude de n'être jamais tout à fait perçu comme ce qu'on est vraiment. Mais c'est surtout une source intarissable de sujets de frustration. Et ça, en tant que popstar, c'est la promesse de toujours avoir quelque chose à raconter.

 

Voilà pourquoi Rina Sawayama est un condensé de l'époque (et peut être, the next big thing ?). Elle arrive à un moment de l'histoire où la pop se radicalise, se politise, ouvre les vannes de la représentativité et surtout, ouvre son coeur. Pendant longtemps, la pop se contentait d'envoyer des divas flamboyantes (mais hétéro) au charbon, pour chanter l'émancipation et l'acceptation de soi. Aujourd'hui, les artistes queer semblent prendre le relai des Madonna et Lady Gaga pour parler d'amour en toute simplicité. Mais toujours avec des super chorés !