Club Corbeille

Lorde : la Daria de 2013 fait de la pop music

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"Royals" à la radio, "Royals" au Grand Journal, "Royals" dans le Billboard, "Royals" dans ta playlist. Lorde est partout, avec sa pop maligne, sa dégaine timide mais ses déclarations assurées. Grâce à une signature chez la grosse Universal, la jeune néo-zélandaise de 16 ans que personne ne connaissait il y a encore 6 mois (mais dont je parlais déjà ici) est devenue incontournable, à la veille de la sortie de son premier album, Pure Heroine.

 

 

Lorde, c'est une fille comme les autres, et elle aime le faire savoir dans ses chansons, qui parlent toutes invariablement de la même chose : je suis une ploucasse qui vient d'un bled paumé chez les kiwis, la pop culture dont je suis abreuvée au quotidien, avec son bling bling et son bonheur béat sur le dancefloor ne me parle pas vraiment, et à toi non plus, alors soyons la nouvelle jeunesse paria, soyons nos propres modèles de cool et let's have fun. Yeah.

 

 

Que ce soit avec "Royals", hymne officiel de la Plouc Pride, ou sur "Tennis Court" ("on est la rangée du fond, on est la télé du salon"... ah pardon c'est un autre morceau ça), ou encore sur son dernier et excellent single "Team", où elle chante la fête imaginaire des geeks que l'on n'invite jamais aux fêtes, Lorde, avec son electro pop minimale, ultra mélodique et à la froide nonchalance de la nana revenue de tout, s'est créé un personnage de loseuse flamboyante, qui répète à l'envi qu'elle veut être la leadeuse des gens qui n'inspirent jamais personne.

 

 

Lorde, avec son aplomb, ses tubes fédérateurs pour hipsters sur le carreau et autres recalés des castings pop, est peut être bien la Daria de la génération Y. Elle ne voudrait surtout pas être Miley Cyrus ou une random Disney girl en goguette, elle n'est pas de celles qui vont twerker comme si demain n'existait pas ("I'm kind of over gettin' told to throw my hands up in the air"), elle ne va pas prendre des douches au champagne ou se faire des lignes de coke sur Instagram avec Jeremy Scott, Terry Richardson ou Azealia Banks.

 

 

"This kind of lux just ain't for us, we crave a different kind of buzz" : Lorde veut la gloire, mais à sa façon, avec classe. La classe des gens qui savent qu'ils sont déjà le futur et qui observent, au calme, les prochains has been perdre l'équilibre et glisser lamentablement sur une flaque de vomi. Avec le flegme d'une Daria qui maitriserait les réseaux sociaux, pleinement consciente qu'elle n'est pas toute seule dans son patelin à mépriser la bêtise crasse de l'Amérique mainstream, Lorde se construit en détente une fanbase d'ados désabusés, que la culture swag révulse. En 2013, Daria est une winneuse, avec son look de petite geekette excentrique et sexy, elle a enfin couché avec Trent (le rockeur bogosse de la série), elle assume son côté teigne et en a fait une force, et désormais tout le monde voudrait être dans sa team.

 

 

Détail troublant : avant "Royals", la dernière fois qu'une chanteuse solo s'était retrouvée numéro 1 du Billboard indie, c'était Tracy Bonham avec "Mother Mother" en 1996, quand l'écume des dernières vagues grunge s'échouait encore sur la rive des charts ricains. La relève vient d'être officiellement assurée.