Club Corbeille

2012, Pop Apocalypse

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La fin du monde n'aura finalement pas lieu, mais chez nos amies les popstars en revanche, il règne depuis ces derniers mois une ambiance apocalyptique. Car elle a beau se démener comme un beau diable pour tenter de faire illusion, la pop va mal. Faute à la crise, à un ras le bol du public, à un manque d'idées neuves, à l'époque, qui nous laisse souvent une impression de grand n'importe quoi. Tous les ans, la musique pop remet son titre en jeu : comment continuer à séduire et divertir les masses dans un contexte aussi économiquement frileux et culturellement instable ? Eh bien c'est simple, elle n'essaye plus. En 2012, le public a imposé de nouvelles idoles, de nouvelles règles, et en général l'industrie du disque se contente de lui courir après, plus ou moins essoufflée. Bilan et étendue des dégâts.

 

 

En 2012, Madonna vend moins d'albums qu'une vulgaire Rihanna.

 

En début d'année, MDNA, le douzième album de celle que les anciens appellent encore la reine de la pop, fait un four retentissant. Au point qu'aujourd'hui, certains ne se souviennent même pas qu'elle ait sorti un truc récemment. Accueilli très froidement (le mot est faible, c'était une boucherie) par la critique, ce disque electro plutôt honnête n'a pas rencontré son public. Trop vieille pour faire de la pop pour ados, devenue trop ringarde pour la nouvelle génération ? C'est ce que semblent penser les rageux et les nostalgiques de l'époque Ray Of Light. L'ancêtre n'a d'ailleurs rien fait pour se faire aimer à nouveau du grand public, enchaînant les moqueries navrantes sur sa rivale Lady Gaga, snobant la promo. En point d'orgue de cette annus horribilis pour la Madonne, ce concert à l'Olympia torché en 40 minutes chrono. Le public, furax d'avoir déboursé l'équivalent d'un RSA pour la durée d'un simple showcase, s'était alors mis à balancer pintes de bière et diverses cochoncetés sur la scène, vociférant des "MADONNA SALOPE REMBOURSEZ" qui résonnent encore de leur lugubre écho dans toutes les mémoires. Au final, personne n'est sorti grandi de cette sombre ère MDNA. Seul point positif : Mado peut se vanter d'avoir réalisé la tournée la plus lucrative de l'année. La popstar la plus détestée de 2012 a rempli les stades, allez comprendre.

 

 

En 2012, un gros chanteur coréen invente une danse ridicule et devient l'artiste le plus visionné sur YouTube de tous les temps.

Alors que je découvrais la k-pop et son univers singulier durant l'été 2011, j'étais loin de m'imaginer qu'un an après, PSY, un illustre inconnu, pas même star dans son propre pays, allait devenir le premier artiste coréen à décrocher la première place des charts partout dans le monde. Je pensais naïvement qu'un groupe fantastique (baby) comme les 2NE1 ou qu'un tube à la "Roly Poly" aurait le privilège de pénétrer le marché occidental, mais non. C'est la "danse du cheval", avec ce que ce phénomène de foire contient d'effets pervers (les asiatiques ont toujours été un peu le laughing stock des jeunes blancs, et le clip de "Gangnam Style" n'arrangera pas les choses, au contraire), qui offrira à la Corée du Sud une exposition inespérée sur la carte mondiale de la pop music. Et ce pauvre PSY, le garçon le plus poli, abordable et patient de la planète, obligé de danser sur commande durant des mois dans tout ce que les médias occidentaux comptent d'émissions people indigentes... Mais est-ce seulement un mal nécessaire ? Est-ce que ce succès ouvrira la voie à d'autres artistes coréens ? J'en doute. Une fois que les beaufs auront bien golri dans les mariages sur ce tube éphémère, PSY n'aura plus qu'à plier les gaules, et son "Gangnam Style" fera sans doute les beaux jours des émissions Génération YouTube l'après-midi sur W9 d'ici quelques années.

 

 

En 2012, les télé-crochets font leur fat comeback... sur la TNT.

 

La TNT, jamais à cours de bonnes idées écolo pour recycler des concepts rincés, s'est mise en tête de ressusciter nos bonnes vieilles StarAc et Nouvelle Star, deux programmes retirés des antennes après avoir été usés jusqu'à la corde. C'est respectivement sur NRJ 12 et D8, deux chaînes aux grilles moribondes qui pourtant attirent le jeune public en masse, que ces fantômes des années 2000 reviennent hanter nos soirées cathodiques. Le plus surprenant, c'est que ça marche, ça cartonne même. Et c'est ainsi que l'on retrouve, comme on les avait laissés, dans des décors un poil plus cheap, d'un côté les mêmes artistes de variétés en mal de promo de l'époque (Jenifer, Amel Bent, Serge Lama), de l'autre les mêmes apprentis artistes "avec un univers" et qui, comme avant, reprennent "A la faveur de l'automne" et autres classiques pop bobo avec leur guitare sèche et leur voix rocailleuse. La même merde qu'avant, mais après une longue pause. Et l'on se rappelle alors très vite pourquoi on avait délaissé ces programmes avant leur disparition faute d'audience : les gimmicks de promo à la papa pour la StarAc, les ambitions vaguement "indie" de Nouvelle Star, fournisseur officiel de rockeurs H&M durant les naughties. Le retour de ces deux shows, c'est une bonne leçon pour les nostalgiques : quand quelque chose disparaît ou lasse le public, il y a toujours une bonne raison.

 

 

En 2012, les divas pop sont aussi sexy qu'une Calaisienne un peu trop portée sur les churros.

 

Le stress des tournées incessantes ? La malbouffe occidentale ? Le refus du diktat de la minceur ? Comment expliquer qu'en 2012, la plupart des stars féminines de la pop soient devenues obèses ? D'ailleurs, loin de moi l'idée de les montrer du doigt en me moquant, je ne suis pas l'un de ces odieux gays de la génération Perez Hilton qui gossipent toute la sainte journée sur les capitons de Beyoncé. Je m'interroge juste sur ce constat étonnant : comment des artistes comme Lady Gaga ou Christina Aguilera, entourées de cinquante coaches et assistants dans chacun de leurs déplacements, peuvent à ce point prendre du poids de façon aussi rapide et spectaculaire ? Alors que les chanteuses coréennes semblent chaque jour plus affamées et rachitiques sur les plateaux de l'Inkigayo, on assiste à l'explosion du poids moyen de popstars américaines qui avaient pourtant pas mal misé sur leur sex appeal au début de leur carrière. Ce n'est ni une bonne, ni une mauvaise chose, c'est juste que je trouve drôle de comparer la pop occidentale, en crise et en surpoids, à la pop asiatique, en plein essor et plus athlétique et bandante que jamais. Un signe des temps ?

 

 

En 2012, les one hit wonders reviennent ambiancer la FM...

 

On ne va pas se mentir : ce mec à la voix de Sting et au charisme de poisson mort que l'on a vu et entendu partout en 2012 va disparaître aussi vite qu'il est apparu, et personne ne va s'en plaindre. "Somebody That I Used To Know", la ballade aussi irritante qu'incontournable de Gotye, est symptomatique du retour d'un genre d'artiste qui fut très présent dans les années 80, puis beaucoup moins par la suite : le one hit wonder, le chanteur d'un seul tube. En général on ne le voit pas arriver, il déboule avec un titre qui, on ne sait trop pourquoi ni comment, accroche le public au point de devenir une obsession : cette année les exemples se nomment "Gangnam Style" de PSY, "Call Me Maybe" de Carly Rae Jepsen, "We Are Young" de Fun, ou "Too Close" d'Alex Clare (qui ?). "Un tube et puis s'en vont" claironnerait la voix off des sujets people de 100% Mag. Sans doute en réaction à la surmédiatisation d'une poignée de popstars, cette année le public s'est pris d'affection pour de petites mélodies sympas plutôt que pour le barnum promo épuisant et le culte de la personnalité des gros vendeurs habituels.

 

 

En 2012, les mêmes albums ressortent tous les mois.

 

Lana Del Rey a eu sa Paradise Edition, Nicki Minaj son Re-Up, David Guetta a sorti Nothing But The Beat, Nothing But The Beat 2.0 et Nothing But The Beat Ultimate. Katy Perry nous a gratifiés d'une Complete Confection de son inépuisable album de 2010. De nouvelles éditions augmentées accompagnent dorénavant chaque grosse sortie. Il y a quelques années, on pouvait s'attendre à 2 ou 3 inédits; aujourd'hui c'est quasiment un album complet que l'on nous offre en bonus quelques mois seulement après la mise en vente d'un disque. Je ne parle même pas des luxueux coffrets collector incluant des vinyles, des photos glossy et un DVD de clips dans des boitiers gigantesques à des prix qui se lâchent un peu. En 2012, c'est devenu la nouvelle parade (pas très efficace apparemment) pour écouler du format physique ou relancer les ventes d'un album en fin de course. Un peu comme les studios hollywoodiens usent et abusent des franchises pour gagner du temps et de l'argent avec une "marque" connue, les maisons de disques "franchisent" elles aussi leurs artistes : on parle aujourd'hui en termes d'"ères" : l'ère Born This Way, l'ère Femme Fatale, chaque album devient une marque déclinable durant des mois voire des années (l'ère Teenage Dream, interminable). A défaut de nouveaux artistes en développement, à défaut de nouvelles idées, au moins les maisons de disques ne manquent pas d'ères.

 

 

En 2012, les "stans" nous cassent les couilles.

 

Il n'a pas d'âge : il peut être au collège, au lycée ou dans ton open space. Il n'a pas de vie non plus : son temps, il le passe sur internet, à scruter tout ce qui s'y passe, et à laisser des commentaires. Partout. Tout le temps. Le "stan" (terme issu du mélange des mots stalker et fan, mais aussi une référence à une chanson d'Eminem), c'est cette personne mal embouchée et pas très polie que l'on retrouve sur les forums et les réseaux sociaux, constamment en train de se plaindre. En général, il critique violemment chaque internaute émettant un avis négatif sur son artiste préféré. Les stans les plus nocifs : ceux de Lady Gaga, ironiquement appelés les Little Monsters, qui méritent leur sobriquet du fait de leur agressivité notoire. On a aussi les stans de Bieber, des One Direction... chaque grosse popstar possède son armée de no-life toujours prête à bondir sur quiconque osera dire du mal de leur idole. Ca pourrait n'être qu'un micro-phénomène des internets plutôt divertissant et drôle s'il n'y avait pas cette perversion sous-jacente derrière l'idéologie du stan. Car parfois, le stan devient un hater ou un anti-fan et se retourne contre l'objet de son adoration si celui-ci ose faire un truc qui ne lui convient pas. Pour se justifier, il déroule un discours passif-agressif assez alarmant : "Les artistes ne sont rien sans leur public, ils doivent donc nous écouter et nous respecter. Nous avons le pouvoir de briser leur carrière et nous n'hésiterons pas à en faire usage s'ils venaient à nous décevoir". Puisque sa médiocrité l'empêche d'accéder à une forme ou une autre de célébrité, le stan utilise ainsi les seuls moyens en sa possession pour faire entendre sa voix et exister : la menace, la pression, le chantage affectif. En un mot comme en cent, cette année le stan a sans doute constitué la plus grosse nuisance des internets. Après, bien sûr, ces pubs FDJ qu'on ne peut pas zapper sur YouTube.

 

Ok, bon bah du coup, si on fait le bilan, le monde de la pop en 2012 a été globalement assez effrayant. Cependant, malgré cette ambiance de fin du monde qui menace les fondations du rêve mainstream rose bonbon, il reste encore et toujours de merveilleuses chansons à écouter, de nouveaux artistes à découvrir, de nouvelles voies à explorer. Vivement 2013 !

 

Bonne année à tous ;)