Top 50 : Ce que les jeunes écoutaient vraiment en 1984

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Le classement du Top 50 vient de fêter cette semaine ses 30 ans. Le 4 novembre 1984, sur l'antenne de Canal+, Marc Toesca annonce à la France entière que le 45 tours le plus acheté du moment est celui d'un duo de variétés ringard, Peter et Sloane. "Besoin de rien, envie de toi" entre ainsi dans l'histoire pour être le tout premier numéro 1 d'un hit parade qui ne cessera, des années plus tard, d'être raillé (ou célébré) pour sa ringardise, ses clips bariolés, ses choucroutes altières et ses tubes francophones gênants.

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Pourtant, si on y regarde de plus près, le Top 50 de cette fin 1984, que les fans de musique considèrent comme une année charnière dans l'histoire de la pop, n'a pas grand chose à voir avec la musette criarde des compilations anniversaire qu'on essaye de refourguer aux nostalgiques de l'époque. Au milieu des tubes populaires de Cookie Dingler, Michel Sardou, Douchka, France Gall et Jeanne Mas (que j'adore, soit dit en passant), on tombe sur des bombes sonores incroyables : de la pop anglo-saxonne à la pointe, de l'italo disco pur synthétique et des hymnes gays sulfureux. La démocratisation du format 45 tours fait qu'une population jeune, moderne et branchée, que l'on n'appelle pas encore les hipsters, consomme de la galette de vinyle en masse. Les clubbers de Paris ou de province, les jeunes homos ou tout simplement les auditeurs des premières radios libres de l'époque, bref tous ceux qui ont les oreilles un peu curieuses vont faire entrer dans "le top" des produits d'importation ultra fresh. Voici la playlist mainstream mais cool de novembre 1984, avec des titres que vous n'entendez quasiment jamais dans les sempiternelles émissions best of.

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 Fox The Fox " Precious Little Diamond"

En 1984, tous les Macumba de France dansent sur ce tube de one hit wonders néerlandais, Fox The Fox. Le funky mais un poil mélancolique "Precious Little Diamond", malgré le charisme aux abonnés absents de son chanteur souffreteux à dreadlocks, mettra tout le monde d'accord, des clubs les plus huppés de la capitale aux paillotes du Cap d'Agde.

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Laura Branigan "Self Control"

L'été 84, la France et l'Europe toute entière succombent à la fièvre italo disco, une dance music robotique, lente, froide et romantique en provenance des boîtes de nuit de Milan, Rome, Florence et Rimini. Cette année-là, le gros tube club du moment, c'est "Self Control" du chanteur italien Raffaele Riefoli, plus connu sous le pseudo de Raf. Mais c'est la chanteuse pop américaine Laura Branigan, en reprenant le titre la même année, qui décrochera la timbale avec un top 10 au Billboard US et qui fera connaître le morceau au delà d'un premier cercle de club kids européens. Attention au clip, bien bien creepy.

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Bronski Beat "Smalltown Boy"

On le sait peu, mais "Smalltown Boy" a été un gros tube en France. C'est pourtant, en 1984, une chanson qui parle de la solitude d'un jeune homo s'apprêtant à quitter le domicile familial pour rejoindre la grande ville. Un titre au clip très explicite et militant qui nous vient du premier groupe de Jimmy Somerville, chanteur ouvertement gay et très populaire au Royaume-Uni. La France était-elle donc plus tolérante envers les invertis qu'elle ne l'est aujourd'hui ? Hélas, on ne va pas se mentir : le titre a connu un beau succès commercial principalement parce que personne n'a jamais rien capté aux paroles, alors même qu'il tournait à plein régime sur l'antenne d'NRJ. Aujourd'hui encore, et sans doute un peu sur un malentendu, "Smalltown Boy" est le premier succès gay friendly de toute l'histoire du Top 50.

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Evelyn Thomas "High Energy"

Au milieu des années 80, la hi-NRG, une sorte de dérivé du disco avec plus de synthés et une grosse pile dans le derrière, achève d'envahir les dancefloors américains et européens. Aussitôt adopté par les clubs gays, "High Energy" de la diva Evelyn Thomas est le fruit des expériences sonores de Ian Levine, un producteur anglais qui fabriquera des titres pour le gratin pop de l'époque (Pet Shop Boys, Kim Wilde, Amanda Lear ou les Bananarama).

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Wham! "Wake Me Up Before You Go-Go"

Mini-shorts fuchsia, brushing virevoltant, mitaines phosphorescentes et bronzage au chalumeau : au milieu des 80s, le total look Barbie Malibu de George Michael est pile dans l'air du temps, celui de la Californie qui pète le fric et la santé vue par le prisme déformant d'un duo anglais métrosexuel qui veut faire oublier à ses compatriotes la déprime des années Thatcher. 84 est l'année George Michael, puisque celui-ci, au même moment, classe un autre tube blockbuster dans le Top 50, mais cette fois en solo : "Careless Whisper", ballade ultime au plus beau solo de saxophone de tous les temps.

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Duran Duran "The Reflex"

Une vieille croyance populaire voudrait que la pop anglaise des garçons coiffeurs de Duran Duran n'ait jamais vraiment traversé la Manche. Pourtant, "The Reflex", sans atteindre les mêmes sommets que dans les charts US et UK, a fait une jolie carrière au sein du Top 50. Stu-stu-studio Line !

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Culture Club "The War Song"

Le groupe du flamboyant Boy George débarque lui aussi dans le Top 50 fin 84 avec une chanson anti-guerre, un titre très populaire en Angleterre mais que le quatuor hippie-queer aura du mal à assumer par la suite à cause de ses paroles un peu crétines.

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Cyndi Lauper "Time After Time"

En 1984, la seule rivale officielle de la nouvelle coqueluche pop Madonna s'appelle Cyndi Lauper. Avec son premier album She's So Unusual, son rock FM bariolé et ses looks d'épouvantail en goguette, la reine du makeup outrancier décroche son premier numéro 1 aux States avec la sublime ballade "Time After Time". En France, elle sera accueillie à bras ouverts par une jeunesse cool adepte des superpositions de vêtements, mais aussi et surtout par un très large public.

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P. Lion "Dream"

L'italo disco aura tellement infusé l'inconscient collectif, des boites de nuit parisiennes où les (futurs) animateurs stars de Canal viennent s'encanailler, jusqu'aux ondes de la déjà toute puissante NRJ que "Dream", mini-tube club du producteur P. Lion, sera choisi en tant que générique du Top 50 dès ses débuts. Un générique dont la mélodie deviendra tellement indissociable de l'émission que jusqu'à sa disparition de l'antenne en 1993, on décidera de ne jamais en changer.

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Jermaine Jackson & Pia Zadora "When The Rain Begins To Fall"

Malgré les ricanements qu'il suscite, malgré son statut de "guilty pleasure" absolu, malgré son clip et cette question qui restera à jamais sans réponse ("mais QUI est Pia Zadora ?"), "When The Rain Begins To Fall" est sans doute l'un des plus beaux refrains de l'histoire du Top 50.